Non, ce n'est pas la guerre, Achile était en paix avec lui-même lorsqu'il guerroyait.

Le 08/05/2025 0
Dans Actualités

C’est pour cela que le cigare c’est la paix, car il nous empêche de nous agiter, ...au moins durant l’heure de crapotage (et je rajouterai même durant l’heure qui suit compte tenu de la surdose de nicotine => le calumet de la paix ne s'appelait pas ainsi pour rien).
L’absence de paix, c’est comme tout à l’heure avant que je n’allume le cigare, il y a tellement de choses à faire, à répondre, à payer (il faut à tout prix répondre aux avocats, il faut que je paye le dédouanement de trucs commandés à Rome et comme je n’ai aucun moyen de payement la douane menace de renvoyer, il faut briefer mon frangin pour la vente de mes véhicules, récupérer des plaques d’immatriculation, contester l’assurance, faire des calculs de payement parce que ma femme réclame, et en plus il y a LA mauvaise nouvelle qui tombe et qui va tout faire capoter). Voilà typiquement une agitation intérieure, une espèce de submergement, et la perte de la paix...
Donc au lieu de commencer à régler des trucs insolubles (et chiants, il faut bien le dire), il faut juste se faire un thermos de café, s’asseoir sur la chaise longue, allumer le cigare, regarder ma sierra dans le coucher du soleil. Après un quart d’heure de crapotage, les pensées peuvent encore aller de-ci de-là, mais en gros, s’il y a un truc qui est sûr, c’est que ma sierra ne bougera pas de sa place, quelques soient les problèmes. Mais on pourrait encore m’expulser et me priver de ma vue, avocat, justice, police, ça trotte encore dans un coin de la tête, mais on n'en est qu'au premier quart d'heure, tandis qu'après le «foin» arrive le «divin» (le deuxième tiers du cigare), eh bien là c’est bon, on sait que quoiqu’il se passe, la sierra ne bougera pas de place, et que quoique fasse la justice, la police, les extra-terrestres ou Poutine et Trump réunis, personne ne pourra m’ôter de là. Arrive ensuite le dernier tiers, le "purin", le plus chargé en nicotine, et ça procure la paix (on va dire sur l'heure qui suivra) !
Depuis que je fume le cigare, j’ai toujours dis que le cigare c’était la paix, au début je pensais que ce n’était que parce qu’il me forçait à rester tranquille sans rien faire durant une heure, mais aujourd’hui je sais que la nicotine joue aussi un rôle, donc le cigare c’est la paix, et je peux vous dire que toutes ces conneries de factures et de gens à répondre, et de payements impossibles pour des douaniers qui font chier, eh bien ils sont loin !
Au contraire, à la fin du cigare, je regarde ma boite e-mail (avec toutes ces contraintes et ces trucs perturbants écris dedans), mais il y a un nouvel e-mail pour m’inviter au chapelet des hommes : En voilà une idée qu’elle est bonne, donc je vais manger, et ensuite je vais prier, … en paix !
Le problème dans des pays comme la Suisse qui ont fait du travail ou de l’agitation une vertu, c’est qu’un type comme moi qui a développé une capacité exceptionnelle à ne rien faire du tout sera mal vu. Lorsque j’ai habité chez mes parents durant un mois et demi avant de venir ici, je ne pouvais pas crapoter tranquillement, mon père perdait sa «quiétude» juste de me voir rester tranquille ainsi sur sa terrasse à contempler le panorama plus d’une heure. Lui il fume la pipe, mais quand il s’arrête pour fumer sa pipée, c’est 10 minutes, et je pense que les 2 dernières minutes doivent déjà le stresser parce qu’il doit se dire qu’il a mieux à faire (et il a 80 ans). Ils sont donc toujours en activité, même à la retraite, il faut toujours faire quelque chose, et si on va faire la sieste c’est aussi minuté, et pas question de se coucher porte ouverte, il faut se cacher et fermer la porte, tant la paix est devenue suspecte d’oisiveté.
Alors non, je n’ai pas imaginé que ça l’énervait de me voir tranquille une heure à regarder le paysage ou les oiseaux en crapotant, il me l’a dit, et non seulement il me l’a dit, mais il m’a prévenu : «Si au Brésil tu restes comme ça à ne rien faire, ils vont péter les plombs et te foutre dehors, il faut t’investir dans des activités paroissiales» (ou autres, mais des activités en tous cas). Ça l’incommodait tellement de me voir profiter de sa belle terrasse que j’ai dû me réfugier sur le balcon à l'étage d’où il ne pouvait pas me voir :
Et là je pouvais profiter de la paix sans penser que j’incommode quelqu’un. Bien sûr, en arrivant au Brésil, je me suis dis que j’avais intérêt à suivre ses conseils, donc à fumer un cigare en 2 ou 3 fois, histoire de me pas trop me faire repérer. Mais ici, les gens se couchent par terre sans aucune vergogne, sur le sofa, sur la chaise longue, ils ont même inventé un mot exprès pour ça : «deitar», ils sont nettement plus décontractes qu’en Suisse où on a érigé l’activité en vertu, je me suis rendu compte que c’était plutôt le contraire, et ce n’est pas qu’une impression, c’est Vera qui me l’a dit : «Tu inspires la paix quand tu es comme ça» ! Donc deux pays, deux mentalités différentes, deux visions du monde, un pays productif et riche en choses, un pays peu productif et un peu plus pauvre en choses… Donc ici ça me convient.
Voilà ce qu’est la paix : la paix c’est le contraire de l’agitation, qu’elle soit intérieure, physique, ou même géo-stratégique. Macron peut bien dire qu’il est en guerre, ce n’est pas vrai, il est simplement agité, donc c’est vrai qu’il n’est pas en paix, mais il n’est pas en guerre pour de vrai, faut pas charrier. Le seul problème de Macron est un problème psychologique, sa mégalomanie lui interdit de n’être que le 8ème président de la 5ème république, parce qu’il sait que dans même pas un demi-siècle, il est oublié de l’Histoire. Qui peut me citer le nom du 8ème président de la 3ème république (la 4ème n’en a compté que 2, donc ça joue pas) ? Personne ? Bon, c’était un type qui s’appelait Emile Loubet, sûrement un brave gars, mais Macron sait que dans 50 ans, il sera aussi connu que ce type alors ça ne lui convient pas, … il faut donc qu’il fasse soit une guerre, soit qu’il devienne empereur de l’Europe pour que quelqu’un se souvienne de lui. Et c'est ça qui fait perdre la paix à Macron, cette agitation intérieure qui le pousse vers des hauteurs sur lesquels il n'est pas destiné a être..., il a déjà marié la maîtresse d'école, il est devenu président, et il se rend compte que c'est absolument insuffisant à l'échelle de l'Histoire.
Ceci dit, il faut quand-même avouer qu’au jour d’aujourd’hui, tout le monde aime l’agitation, donc les Miss Monde, au lieu de souhaiter la paix dans le monde, elle feraient mieux de se mettre à la page et de dire qu’elles souhaitent la guerre dans le monde (pas chez soi, mais en quelque part dans le monde suffit pour maintenir une agitation convenable). Parce que sans guerre (ou sans menaces de guerre), eh bien toutes les chaînes d’info en continu ferment, les présentateurs des JT se mettent à prier pour des catastrophes naturelles ou d’autres événements dramatiques sinon ils pointent aussi au chômage, parce que le prix de la paix dans le monde, ce serait l’ennui face à des nouvelles inintéressantes (ou alors faudrait qu’on change radicalement de paradigme et qu’on trouve qu’une chute d’eau qui provoque un arc-en-ciel vaut un reportage). On va donc garder la guerre en guise de divertissement lointain, car sans guerres ni agitations subséquentes, toutes les usines d’armement font faillite aussi, plein de gens au chômage, sans compter que tous ceux qui se distraient des malheurs des autres perdraient une grande partie du sens de leur vie, un vrai cataclysme ! Alors Miss Monde, s’il te plaît, arrête tes conneries, tu plombes le moral de tout le monde sans t'en rendre compte (des fois que le vœu se réaliserait).
D’aucuns lecteurs se demanderont peut-être quel est le prix de la paix, mais en réalité elle n’a pas tellement de prix puisque la paix s’obtient par le renoncement, c’est le réel prix de la paix : le renoncement (et ici ils renoncent à beaucoup de "choses"). Pour donner un exemple simple et accessible au premier lecteur venu, eh bien si les préoccupations quotidiennes qui troublent leur quiétude viennent par le biais de leur smartphone, eh bien quel serai le prix de leur paix ? – Aucun !, il suffit de jeter le smartphone à la poubelle et tout un tas de notifications, de perturbations, et même d’abonnement et de factures tomberont du jour au lendemain. Donc ça ne coûte que le renoncement. Voyez combien le 20ème siècle était plus paisible et plus civilisé qu'aujourd'hui :

Ici à NS do Ouro, on bénéficie de la paix mais en échange, on doit tout de même accepter de renoncer à quelques menues commodités. L’eau courante par exemple. L’avantage de ne pas avoir d’eau courante, c’est qu’on n’a pas de facture d’eau.
Pour la construction de ma maison, il me semble que j’ai tout bien fait comme il fallait, une réserve d’eau de 1000 litres sur le toit et un tank de 5000 litres à côté de la maison. Mais quand les maçons ont coulé ma dalle le mercredi, ils ont séché mon réservoir de 5000 litres. Ceci dit, j’ai quand-même un robinet sur la façade de ma maison, et dans ma tête, ce robinet est censé donner de l’eau quand il est ouvert, ou bien il doit y avoir une conduite qui alimente mon réservoir sur le toit lorsqu’il est fermé, non ? Eh bien non, c’est comme les robinets de la caravane !!!… donc pas d’eau le jeudi, … pas d’eau le vendredi, et là je dis quand-même à Vera :
- Dis-donc, on est à sec là, ce serai quand-même bien qu’ils remettent l’eau pendant le week-end pour que les maçons en aient pour finir la dalle tout autour de la maison lundi, hein ?
- Oui, ce serai bien, … qu’elle me répond ?
- Non mais c’est pas une question que ce serait bien !, il faut vraiment avoir de l’eau pour lundi matin !
- Oui, ce serait vraiment nécessaire, qu’elle dit… ?!??
… et là je sens comme un flou, comme si ce n’est pas certain du tout son histoire. Donc comme elle a l’air de prendre ça à la légère, je mets un peu les points sur les i :
- Non mais ce serai bien, ce serai nécessaire, c’est pas une question que ce serai ceci ou cela, il faut avoir de l’eau d’ici lundi, alors on est vendredi soir, il faut que tu téléphones au type de l’eau pour qu’il remette ça pendant le week-end et que les maçons puissent bosser lundi !
- Quel type de l’eau ??? (qu’elle me répond encore)
- Ben j’en sais rien moi, le gars qui s’occupe de l’eau, celui qui fait arriver l’eau jusqu’à ce robinet, là, sur la façade de la maison !!!
- Le type de l’eau… ? (là c’est elle qui ne sait plus trop quoi répondre)
- Mais non de chien, c’est qui qui s’occupe de l’eau dans ce bled ?
- Dieu… ?
- Comment ça Dieu !?
- Ben s’il pleut pendant le week-end et qu’il arrive un peu d’eau dans le barrage plus haut on aura de l’eau lundi, sinon je ne pense pas… (voilà donc le fin mot de l’histoire, il n’y a pas de «type de l’eau» parce qu’il n’y a pas de municipalité, ni de président, ni de conseil communal, ni de préfet, ni rien qui ressemble de près ou de loin à une administration communale ou une mairie, et on est quand-même dans un bled de plus de 3000 habitants).
Alors oui bon, je suis croyant et j’ai la foi, mais je ne connais ni les paroles ni le rituel à effectuer pour la danse de la pluie qui vont m’assurer d’avoir de l’eau d’ici au lundi qui suit, alors je lui dis que je trouve que Dieu est trop aléatoire et qu’il faut trouver une autre solution pour être sûr.
Et l’autre solution c’est un peu comme en Suisse quand on a plus de mazout dans la citerne, faut téléphoner à un type qui a un camion citerne, qui va charger un camion d’eau je ne sais pas où, et qui vient me remplir mon tank de 5000 litres. Bon, donc le dimanche soir, sans pluie ni rien, on a téléphoné au type qui a le camion et le lundi matin, il est venu nous emmener mes 5000 litres d’eau contre je ne me souviens plus combien de réais et les maçons ont pu bosser.
Alors voilà, on a en général tout le temps de l’eau, mais ça reste aléatoire, dépend de Dieu. Et si on veut de l’eau potable, … ben c’est à la mine, alors soit on arrive à tirer un tuyau depuis la maison jusqu’au réservoir ou à la mine et on a de l’eau «potable» (qu’il faut quand-même filtrer), soit on n’a pas de tuyau assez long, comme là où j’habite, et on téléphone à Maori qui va aller à la mine nous remplir des estagnons de 20 litres d’eau potable contre 4 réais.
C’est ce genre de truc le prix de la paix : pas d’administration, pas d’autorités, pas de police, pas de tribunaux, pas de routes, pas de poste, pas de banque ni de supermarchés et de l’eau à la grâce de Dieu (et de la police il y a trois semaines : ils ont quand-même fait une descente parce qu’une entreprise d’extraction d’or détournait une partie de l’eau de la ville pour laver la terre, la ville en a bruissé de rumeurs jusqu’au lendemain parce qu’on ne voit pas tous les jours la police ici). Sinon, une seule facture par mois : l’électricité ! Une entreprise privée a raccordé la ville à l’électricité et des types passent relever les compteurs chaque mois et laissent une facture à la place du compteur, c’est la seule facture qu’il y a ici. On est aussi raccordé à l’Internet par «le type de l’internet», qui a une piscine ici (oui oui), un gars important, il vient installer, et ensuite ça coûte quand-même 12 francs par mois, mais c’est toujours le même tarif, pas besoin de facture, un ordre permanent.
Il y a aussi une antenne-relais pour la téléphonie, mais c’est une initiative d’Antonio :

...un gars de Riacho Fundo qui a l’entreprise de construction qui m’a vendu tout mon matériel et qui a installé une antenne à côté de chez lui, ça fonctionne de temps en temps, et c’est utile par exemple quand on doit recevoir un code par SMS sur notre natel pour entrer dans l’e-banking ou des trucs du genre, parce qu’avant l’antenne-relais d’Antonio, si on voulait recevoir un code par SMS, il fallait faire 20 kilomètres de pistes avec téléphone et ordinateur… Sinon tout le monde utilise wathsapp, ça passe par l’électricité et l'internet sans avoir besoin d’antenne-relais. Mais bon, vu les températures de ces derniers jours, il y a souvent des coupures d’électricité parce que tout le monde fait fonctionner ses climatiseurs.
Alors voilà le prix de la paix = quelques petits renoncements. On a un système de poste qui livre des choses jusqu’ici, mais il n’y a pas de poste si on veut envoyer en retour une marchandise non conforme, ou bien une lettre, ou bien n’importe quoi, faut quand-même faire les 20 kilomètres de pistes pour ça, et comme il n’y a pas de transports en commun, ça peut être compliqué.
Donc en Suisse on parle de la mort d’une région périphérique s’ils suppriment un car postal dans la journée, ici c’est pas la mort : c’est la paix.
D’ailleurs, toutes ces histoires qui m’avaient fait perdre ma quiétude avant mon cigare, c’était :
- 4 histoires suisses,
- une histoire européenne (romaine),
- une histoire de l’administration centrale brésilienne (si je reste ici planqué je n’ai aucun problème avec aucune administration)
...donc que des trucs de l’extérieur. Le seul truc de l’intérieur qui m’a fait me bouger, c’est le chapelet, c’est dire l’agitation locale !
C’est un truc sur lequel je veux travailler : la paix ! Parce que je suis convaincu que moyennant quelques efforts supplémentaires, je pourrais me retrouver dans un monde en guerre et en furie tout en restant complètement en paix. Et à contrario, tout un tas de gens qui sont dans un monde très bien organisé et sans la moindre guerre ou furie à l’horizon peuvent être totalement agités, et donc sans paix, il leur suffit de ce bidule pour tout perdre, parce que là-dessus est écrit toutes les nouvelles (mauvaises de préférence), et tous leurs problèmes de factures, de banques, d’école, de paquets commandés qui n'arrivent pas et tout ce qu'on peut bien imaginer de possible et d'impossible…

Allez, je laisse cette petite réflexion comme ça, c’est un bon début, mais je sais bien qu'au-delà des petites agitations maloportunes qui font perdre la paix mais qui ne concernent que des trucs basiques (l'argent, le boulot, les contrariétés), il survient parfois dans la vie des grandes souffrances qui n'ont rien à voir avec l'agitation que peuvent procurer des nouvelles par e-mail, et contre la perte de cette paix-là, le cigare n'y peut pas grand-chose, alors il faut basculer vers Dieu et la méditation pour s'en sortir (ou se laisser happer par des distractions que le bidule peut fournir, mais au couché, on ne sera pas plus avancé si on s'est contenté de se distraire).
NS do Ouro, le 27 mars de l'an de grâce 2025 après la naissance de NSJC
Partons du postulat que le premier étage de la réelle perte de la paix sont les situations supérieures...
Par «situations supérieures», j’entends des situations qui touchent les 4 points fondamentaux que j’avais listé il y a déjà plusieurs années et qui ne s’achètent pas :
- Le Salut
- La famille
- Le beau
- L’amour
Alors si l’un de ces points est bousculé ou ébréché, eh bien on est loin de problèmes de dédouanement ou de permis de résidence, on se confronte directement à des choses qu’on ne peut pas vraiment régler car on ne peut pas les racheter, et je sais de quoi je parle.
J’ai été confronté à une situation qui a bousculé toutes ces «valeurs» en même temps, j’ai précipitamment reconstitué du beau autour de moi (ma caravane et les paysages), j’ai même été jusqu’à louer une famille de substitution au Maroc, mais ça n’a pas été si concluant et ça ne fonctionne pas, même avec assez d’argent, c’est des choses qu’on doit construire.
En fin de compte, et pour imager un peu l’affaire, je vais prendre l’exemple de deux personnages historiques : D’abord, j’ai fait le même constat que Tibère avant et après qu’il ne soit empereur romain et qui l’a emmené à la décision de l’exil volontaire. Sur ce site, je parle de «cavale» pour donner un ton un peu plus rocambolesque, romantique et croustillant à la chose, mais dans mon ordinateur, le dossier sous lequel j’ai mis toutes ces photos, je l’ai nommé «errance»… Alors oui, lorsque je me rends compte que si je reste en Suisse je nuis, ou alors je risque de nuire, ou alors je dois faire semblant de rien tout en sachant que ceux qu’on aime souffriront bientôt sans que je ne puisse rien y faire, eh bien la meilleure chose c’est de disparaître, ...de s’exiler.
Tibère l’a fait une première fois pour ne pas porter ombrage aux descendants d’Auguste, mais lorsque ladite descendance avait fini de s’entre-tuer ou fait tuer et qu’Auguste l’a rappelé, il est revenu. Puis, une fois devenu empereur, il n’a pu régner que 4 ans depuis Rome parce que le peuple avait décidé qu’il était coupable de l’assassinat de Germanicus César. La situation en était à un point telle qu’il n’a même pas pu assister à la procession funèbre tant le risque de se faire lyncher était important, il est donc reparti en exil volontaire, à Capri. Dans ce genre de situations où la vérité n’a plus aucune espèce d'importance (qui a tué Germanicus ? Sûrement pas Tibère mais le peuple en avait décidé ainsi), eh bien que ce soit pour le bien du peuple ou celui de sa famille, l’exil semble la meilleure option.
En tant qu’aîné d’une grande fratrie j’ai toujours été très famille, j’aime aussi beaucoup la Suisse et suis assez fier de mon pays, mais vu la situation, rester n’aurait fait qu’empirer les choses, j’ai donc aussi opté pour un exil volontaire. Le projet c’était d’aller mourir en Afrique, puis ça a bifurqué par ici.
Mais si vous avez lu les précédentes actualités, vous avez compris qu’«ici» était inimaginable sans de solides garanties divines. Depuis janvier 2022 je sais que je ne peux plus faire 5 ou 10 heures d’avion, et pour arriver jusqu’ici, il a fallut en faire des heures, et pas seulement d’avion. Mon point de bascule ça a été lorsque j’étais grabataire et couché par terre dans l’aéroport de Lisbonne, lorsque je me suis relevé pour entrer dans cet avion pour l’Amérique du sud, car si depuis Lisbonne je pouvais faire marche arrière, après le vol qui a suivi ce n’était plus imaginable, même si je me suis raccroché à cette illusion. D’ailleurs, lorsque je suis arrivé, j’ai averti mes enfants que je ne pourrais plus faire un voyage pareil, et que c’était à eux de venir me voir et pas l’inverse parce que j’étais inapte.
Ça s’appelle : Le point de non-retour, et en général, ce genre de point entraîne de grands changements. On peut citer le conquistador Hernàn Cortès qui veut partir à l’assaut de l’empire Aztèque, et donc de la ville de Mexico qui compte 1 million d’habitants. Le type n’a même pas 700 hommes, et avant cette folle entreprise à l’intérieur des terres, d’aucuns s’imaginent encore qu’ils pourraient faire demi-tour et s’en retourner en Espagne… Après tout, Cortès n’est qu’un jeune capitaine de 34 ans qui n’a aucun mandat du roi pour aller mener quelque guerre que ce soit, alors pour bien signifier à tout le monde qu’il n’y a aucun retour possible, il fait brûler tous ses navires et à ce moment, tout le monde comprend qu’il n’y a réellement plus de retour en arrière possible, qu’ils ont été trop loin pour ne serait-ce qu’envisager faire demi-tour.
Et ainsi, tout le monde a prit part à l’expédition terrestre et ils ont mit fin à l’empire Aztèque en forçant l'empereur à abdiquer depuis le balcon de son palais... empereur qui se fait tuer sur ledit balcon par des Aztèques pas contents, qui se choisissent un nouvel empereur, que Cortès déportera hors de la ville pour le pendre...
C'est comme ça que se forge le destin du plus grand conquistador
Pareil lorsque Jules César franchi le Rubicon, il sait qu’il fait quelque chose de fou et qu’après l’avoir fait, plus rien ne sera comme avant mais il le fait quand-même. Pareil pour moi lorsque je suis monté dans cet avion à Lisbonne, puis après tout le périple, eh bien j’ai compris qu’à ma mesure, j’ai été trop loin pour faire demi-tour, j’ai franchi le seuil de non-retour.
Ainsi, je me retrouve avec un pays très différent et des gens qui n’ont pas du tout la même mentalité, je vois que tout le monde maîtrise à la perfection les réseaux sociaux et les trucs de communications modernes, moi qui m’appuyait sur ma femme pour toutes ces histoires, j’ai l’impression de débarquer là comme le dernier des mohicans. C’était plus facile à l’époque à Riacho Fundo quand il n’y avait pas d’électricité ni téléphone, parce qu’au moins tout le monde se retrouvait dans la maison de Zéca et on pouvait faire des connaissances, mais maintenant… ??? Eh bien malgré tous mes efforts d’adaptation, ma présentation à la population, eh bien je vois bien que le salaire de l’exil c’est la solitude, environ 22 ou 23 heures sur 24, et pour dire la vérité, on s’y fait difficilement.
Alors quand on se retrouve avec un amour brisé, une famille pareil, le beau… ici il n’y a jamais eu de Bernin ni de Michelangelo, donc l’art reste très naïf, et le Salut semble également un peu compromis, bref, un cataclysme personnel

... après ça, je me retrouve bien loin de problèmes administratifs et de pognon.
L’avantage en de pareilles situations, c’est qu’on n’est plus impressionné par rien ni par personne, en gros : on s’en fout complètement de la république, parce que le sinistre a été si cataclysmique que tout le reste n’est qu’une comédie, un vaudeville de bas étage, des petites choses qui s’accrochent aux chaussettes, chiantes mais pas importantes.
Ceci dit, pour retrouver la paix dans tout ça et pour un type comme moi, fragile émotionnellement, … non, c’est pas un cigare qui va permettre de retrouver la paix au milieu de bouleversements pareils. Pour une gageure de cette envergure, il n’y a que Dieu qui puisse un tant soi peu aider, et encore, il faut vraiment y croire…
Avant-hier, je n’ai pas été seul 22 ou 23 heures sur 24, mais 24 heures complètes, parce que j’étais dans un état qui n’autorisait plus la communication, je suis donc resté à grignoter des trucs dans ma maison, pas pu mettre les pieds chez Vera. Les pensées ne volaient pas tant haut non plus, je me retrouvais dans un état clinique qui commence à devenir redondant ces derniers temps, j’en suis même arrivé à planifier mon suicide, c’est le genre de trucs qui nous occupe le mieux l’esprit dans cet état-là. Ça ne veut pas dire qu’on va le faire, mais la planification est le passe-temps le plus intéressant, et soit dit en passant, ...c’est le genre de trucs qui intéressent les toubibs : Si tu dis que t’es suicidaire mais que t’as rien planifié t’es pas intéressant, mais si tu dis que t’es suicidaire et que t’as tout planifié tu deviens intéressant. Du coup j’aurai été un cas intéressant car pour ma part, ça allait se passer dans la chapelle de Riacho Fundo, j’avais pensé à tout jusque dans les moindres détails, dans quel commerce aller acheter la corde (et 10 mètres pour que ça ne soit pas suspect), accroché à telle poutre, trépied et appareil photo qui filme pour le dernier souvenir à ceux qui découvriront le corps (et surtout pour qu’on ne puisse pas accuser d’autres), bref, tous les détails jusqu’au tabouret nécessaire, et pourquoi Riacho Fundo ? Parce que je ne peux décidément pas m’empêcher de penser que Dieu a à voir dans mon départ d’ici il y a 32 ans, Sa demande de me marier, et toute cette gabegie qui s’en est suivi. Alors si je me suicide, je veux le faire dans cette chapelle parce que je veux qu’Il regarde à quel point Il m’a fait souffrir avec cette bonne femme ! Ceci dit, rassurez-vous quand-même, si je mentionne ces conneries sur un site de l'internet c'est que je ne vais pas le faire, si l'intention est réelle on les cache, ces histoires.
Bien sûr, si j’étais en Suisse, je serai dans mon hôpital à l’heure actuelle, mais je me dois de me confronter seul à ces moments. On est très proche de l’épisode marocain avec la baïonnette sur la colline (et pourquoi la colline et la caméra ? Toujours pour éviter que d’autres se fassent accuser). J’aurai dû en terminer là, au Maroc, mais j’avais un téléphone portatif et une succession de SMS mensongers sont tombés pour m’empêcher de passer à l’acte. Je dis «mensongers» à dessein parce que je les ai reproduit sur ce site dans mes actualités, et comme vous pouvez le lire, mon fils me traite de «son héro» et de multiples marques d’affections jusqu’à ce que je lui promets de le revoir encore une fois en ce monde. Cette promesse a été une promesse très difficile à tenir puisque je l’ai faite le 31 juillet et que je ne l’ai revu que le 19 août en ce monde, 19 jours d’enfer. Le 18 août, comme vous pouvez le lire dans le résultat du rapatriement, je perds la foi, je n’arrive pas à ouvrir le tabernacle à mains nues, je proclame publiquement l’inexistence de Dieu, mais je me rassure et me console en me disant qu’il ne me reste plus qu’un jour à tenir pour remplir ma promesse, car le fiston doit venir le lendemain. Durant la soirée et la nuit il s’est passé ce que vous pouvez lire dans l’article y relatif, et le lendemain j’attends non seulement de pied ferme, mais avec une infinie attention l’arrivée du fiston, je veux voir et entendre comment il m’accueillera là, à l’hôpital.
Il arrive avec une demi-heure de retard mais cela n’est qu’un détail, parce que lorsqu’il entre dans l’unité, je l’attends dans ma chambre à l’étage, porte ouverte, et lorsqu’il arrive là, avant même de saluer, avant de me prendre dans ses bras, avant tout, il me voit et me dit : «Putain, elles sont où les toilettes dans cet hôpital j’ai trop besoin de pisser» !
- La porte derrière toi.
Il aurait pu demander à l’infirmière au rez-de-chaussée et arriver avec 2 minutes de plus de retard mais dans de bonnes conditions, tandis que là, ben voilà…, mon héro, je t’aime tellement, promesses et tout, pissoir !
Après ça, ma réception a été un peu froide, je suis resté assis sur ma chaise pour voir comment il comptait rattraper le coup mais il ne s’était rendu compte de rien, et moi ça faisait 19 jours que j’attendais ce grand moment dans les affres de la vallée de l’ombre de la mort.
Alors non, les curés, les sages, les sachant, les biens-pensants, les paternels, les cousins, les bondieusards peuvent aujourd’hui me raconter les conneries qu’ils veulent, je sais que plus personne n’attends rien de moi en Suisse, … à part ma femme qui attend son argent chaque mois

...mais ça se fait par virement bancaire sans jamais un merci.
Et donc voilà ma situation, parce qu’ici, il faut bien le dire aussi, personne n’attend rien de moi non plus. Et l’intégration est si difficile… Il me faut un challenge comme Cortès, une ville a attaquer, un défi à relever ! Oui, je vais déjà relever le toit de l’église de Riacho Fundo qui s’effondre un peu, j’ai déjà acheté le bois, j’utiliserai les tuiles de la maison de Zéca pour remplacer celles qui sont tombées, et au-delà de ça je ne sais rien, comme Cortès, comme Jules, une fois le point de non-retour franchi, on ne sait plus rien car tout est nouveau. Mais Cortès a revu l'Espagne, Tibère a revu Rome, et je sais que je reverrai la Suisse, mais dans longtemps, très longtemps.
Ceci étant dit, on peut se dire tout ce qu’on veut, ce n’est réellement que lorsqu’on voit brûler les navires qu’on intériorise vraiment que le retour c’est comme Capri, c’est fini. Et ainsi, si ces derniers jours ont été si difficiles, c’est parce que je suis venu jusqu’ici comme un touriste, avec une simple valise, mais ces derniers jours, il y a eu plusieurs événements qui ont rendu mon exil très concret :
- Une lettre de mon assurance véhicule qui m’annonce qu’elle ne m’assurera plus à la suite de 7 sinistres depuis 2022. Je n’en ai fait qu’un seul (les 6 autres n’étant pas de mon fait), mais peu importe, en Suisse, si une assurance décide de ne plus assurer, plus aucune assurance n’assurera et donc vous ne pourrez plus mettre de plaques d’immatriculation. Vous pourrez bien avoir un permis de conduire valide, sans assurance, sans plaques, vous ne pouvez ni circuler, ni tirer une caravane dans n’importe quel pays européen que ce soit.
- Les dernières reliques matérielles restées au pays en attendant mon retour sont entrain d’être bradées (voiture et caravane), tandis que mon matériel sera envoyé sur des palettes par cargo-container.
- Après ça, il ne restera en Suisse que 4 enfants qui partagent mon sang par moitié (l’autre moitié étant celui de ma femme), et qui seront aussi enthousiastes à me revoir que le fiston l’a été à l’hôpital pour son affaire de chiottes.
Voilà qui explique la morosité de ces derniers jours et ces envies d’en finir une bonne fois pour toutes, mais je ne le ferai pas, parce que même si je sais que ma patrie est de l’autre côté, je sais que le jour, l’heure et les circonstances sont à la discrétion de Dieu et de personne d'autre, même pas moi. ... et parfois je me demande même si Dieu n'a finalement pas besoin d'un type pour qui la mort serait une bénédiction et qui accepterait de s'élancer vers un défi, une mission, un acte qui apparaîtrai suicidaire pour n'importe qui, mais qui me conviendrait bien de mon côté, ... et ce truc-là, ça fait quelques années que je le pense...
Alors lorsque je dors portes et fenêtres ouvertes, ça peut bien inquiéter mes quelques amies d’ici, mais je sais que personne n’y pourra rien avant l’heure décidée par Dieu, c’est d’ailleurs ma demande principale de ces derniers temps : «Oh mon Dieu, prends-moi dans ton Royaume, j’en ai tellement marre de ce monde !»
Alors s’Il ne le fait pas, je sais qu’aucun bandit ne pourra le faire ! Est-ce que c’est ça la paix ? Savoir qu’on est dans la main de Dieu et que rien ni personne ne pourra changer cela parce que comme je le dis chaque jour et comme me l'a enseigné mon Saint Patron :

NS do Ouro, le 3 d'avril de l'an de grâce 2025 après la naissance de NSJC
NB, je rajoute un petit texte piqué à Hermann Hesse, prix Nobel de littérature et qui souffrait du même trouble psychique que moi (c'est un peu comme si on donnait le prix Nobel de la paix à Saddam Hussein), et qui explique peut-être un peu mieux la situation, pourquoi on préfère des dictateurs à la démocratie, et ce genre de trucs :
J'essayais d'analyser un peu ma situation. Les jours de ténèbres, je ne puis communiquer, tout m'apparaît si lointain. Je suis seul dans les espaces glacés de mon âme et plus aucun sentiment ne m'appartient. Alors, je guète l'étincelle. Je sais qu'une lumière va percer mes ténèbres et venir me toucher, mais je ne sais pas où la chercher. Parfois, elle se présente sous la forme d'une musique, ou d'une fille, ou d'un paysage, ou même une fois, d'une vache. L'étincelle, c'est la pureté, la pureté d'un paysage, d'une musique où d'une jolie fille qui entre en moi. Il faut que je puisse baigner une demi-heure ou une heure dans une image pure pour que des sentiments puissent renaître en moi.
Oui, qu'il est bon de retrouver cette trace divine au milieu de la vie que nous menons, de cette vie si satisfaite, si bourgeoise, si dénuée d'esprit en face de ces affaires, de cette politique, de cette économie, de ces hommes !
Comment ne serais-je pas un loup des steppes et un ermite hérissé au milieu d'un monde dont je ne partage aucune des ambitions, dont je n'apprécie aucun des plaisirs. Je ne puis tenir longtemps ni devant le téléviseur, ni dans un théâtre, à peine puis-je lire le journal. Je ne comprend pas quelle est cette jouissance que les hommes cherchent dans les hôtels et les casinos, dans les cafés regorgeant de monde, aux sons d'une musique forcenée, dans les bars, les boites de nuits, les villes de luxe, les expositions universelles, les conférences destinées aux pauvres d'esprits avides de s'instruire, les parcs d'attractions, les stades : tous ces plaisirs qui me seraient accessibles et que des milliers d'autres poursuivent au prix d'efforts, je ne puis ni les comprendre ni les partager. En revanche, ce qui m'arrive dans mes heures rares de jouissance, ce qui m'est émotion, joie, extase et élévation, le monde l'ignore, le fuit et le tolère tout au plus dans la poésie; dans la vie il traite cela de folie. En effet, si la foule a raison, si cette musique des cafés, ces plaisirs collectifs, ces hommes américanisés, contents de si peu, ont raisons, c'est bien moi qui ai tort, qui suis fou, qui reste un loup des steppes, un animal égaré dans un monde étranger et incompréhensible, qui ne retrouve plus son climat, sa nourriture, sa patrie.
Cependant, même si je suis un animal égaré, incapable de comprendre le monde environnant, ma vie absurde a un sens ; quelque chose en moi répond, sert de récepteur aux appels issus de mondes lointains et sublimes ; mon cerveau est empreint de milliers d'images. Des images qui jaillissent dans mon esprit en écoutant un immortel dans son œuvre, Mozart où Händel, où en me laissant saisir d'un tableau dont la pureté évoque un monde plus beau et plus pur. Je pourrai décrire une musique de Mozart et disséquer chaque instant qui élève cet art au dessus de ce monde, vers une dimension exaltante et sublime, comme un boucher dissèque son veau.
Oui, comment comparer cette musique à celle qui nous arrive aujourd'hui des Etats Unis ? Cette nouvelle musique, il faut bien le dire, a l'avantage d'une grande
sincérité, d'une bonne humeur enfantine, d'un négroïsme non frelaté, digne d'appréciation. Elle a quelque chose d'américain, qui nous paraît à nous autres Européens, si frais dans la force de l'adolescence. Les hommes seraient-ils devenus semblables? Étaient-ils déjà sur cette voie?
Nous autres vieux érudits et admirateurs de l'Europe ancienne, de la véritable musique, de la vraie poésie d'autrefois, n'étions nous après tout qu'une poignée stupide de neurasthéniques compliqués, qui demain seraient oubliés et raillés ? Ce que nous appelons culture, âme, esprit, ce que nous qualifions de beau et de sacré n'était-ce pas qu'un spectre mort depuis longtemps, et à la réalité duquel croit seulement quelques fous? Ce que nous poursuivons, nous autres déments, n'avait peut-être jamais vécu, n'avait toujours été qu'un fantôme dans la tête de nos semblables ?
Mais les œuvres existent, elles ne sont pas imaginaires. Des Michelange, Salvador Dali, Wolfgang Mozart, Georg Friedrich Händel, Goethe existent et ont puisé si profondément en leur cœur pour connaître toute la souffrance et la félicité d'une vie où toutes barrières, toute morale et doctrines sont tombées, une vie hors système, que leurs œuvres ne pouvaient que transcender au delà de la matière et de la science. Ces hommes ont tous en eux deux âmes, deux essences ; le divin et le diabolique, le sang maternel et le sang paternel, le don du bonheur et le génie de la souffrance coexistent et inter-existent en eux aussi haineusement et désordonnément que le loup et l'esprit en moi.
Ces êtres là, dont la vie est des plus inquiète, éprouvent parfois à leurs rares instants de joie une si indicible beauté et intensité, l'écume du moment jaillit si haut et si aveuglante au dessus de la mer de souffrance que ce bonheur éclatant et bref, en rayonnant, effleure et séduit les autres. C'est ainsi que naissent, écume éphémère et précieuse au dessus de l'océan de douleurs, toutes ces œuvres d'art par lesquelles un seul homme qui souffre s'élève si haut, pour une heure, au-dessus de son propre sort ; que sa félicité rayonne comme un astre et, à tous ceux qui la voie, apparaît comme une éternité, comme leur propre rêve de bonheur. Tous ces hommes, quels que soient les noms que portent leurs actes et leurs œuvres, n'ont pas, au fond, de vie proprement dite ; leur vie n'est pas une existence : elle n'a pas de forme, ils ne sont pas héros, artistes ou penseurs de la même façon dont d'autres sont juges, médecins, professeurs, maçons ou cordonniers ; leur vie est un mouvement, un flux éternel et poignant, elle est misérablement, douloureusement déchirée et apparaît insensée et sinistre si l'on ne consent pas à trouver son sens dans les rares émotions, actions, pensées et œuvres qui resplendissent au-dessus de ce chaos.
Parmi ces hommes, aucune idée ne leur était plus horrible et plus haïssable que celle de devoir un jour remplir une fonction, suivre un immuable emploi du temps, obéir aux autres. Un bureau, un comptoir, un office leur étaient exécrable comme la mort, et ce qu'il pouvait leur arriver de plus affreux en rêve, c'était d'être prisonnier dans une caserne.
Mozart avait l'oreille, c'est un fait, mais ses compositions ne sont pas sorties de son oreille, mais des tréfonds de sa personne. L'obéissance est le couteau qui égorge la volonté de l'homme. "Obéis", à ce mot, la créativité et l'imagination tirent le rideau.
C'est pourquoi, il est rare de trouver des bourgeois dans le cercle des grands esprits. Car le bourgeois obéis, et il obéis aux règles de la société, et il s'y sent en sécurité, content de lui-même. Je ne blâme pas les bourgeois car j'ai ardemment envié leur mode de fonctionnement et la satisfaction dans laquelle baignait leur vie, mais je ne fais pas partie de ce monde-là et je peux bien être envieux, je sais aujourd'hui que je n'appartiendrai jamais à cette race.
L'homme a la possibilité de s'abandonner absolument à l'esprit, à la tentative de pénétration du divin, à l'idéal de la sainteté. Il a également la possibilité inverse de s'abandonner entièrement à la vie de l'instinct, aux convoitises des sens, et de concentrer tout son désir sur le gain de la jouissance immédiate. La première voie mène à la sainteté, au martyre de l'esprit, à l'absorption en Dieu. La seconde mène à la débauche, au martyre des sens, à l'absorption en la putrescence. Le bourgeois, lui, cherche à garder le milieu modéré entre ces deux extrêmes. Jamais il ne s'absorbera, ne s'abandonnera ni à la luxure ni à l'ascétisme ; jamais il ne sera un martyre, jamais il ne consentira à son abolition : son idéal, tout opposé, est la conservation du moi ; il n'aspire ni à la sainteté ni à son contraire, il ne supporte pas l'absolu, il veut bien servir Dieu, mais aussi le plaisir ; il tient à être vertueux, mais en même temps à avoir ses aises. Bref, il cherche à s'installer entre les extrêmes, dans la zone agréable et tempérée, sans orages ni tempêtes violentes, et il y réussit, mais au dépens de cette intensité de vie et de sentiment que donne une existence orientée vers l’extrême et l'absolu.
On ne peut vivre intensément qu'aux dépens du moi. Le bourgeois, précisément, n'apprécie rien autant que le moi (un moi qui n'existe, il est vrai, qu'a l'état rudimentaire). Ainsi, au détriment de l'intensité, il obtient la conservation et la sécurité, au lieu de la folie en Dieu, il récolte la tranquillité de la conscience; au lieu de la volupté, le confort; au lieu de la liberté, l'aisance; au lieu de l'ardeur mortelle, une température agréable. Le bourgeois, de part sa nature, est un être doué d'une faible vitalité, craintif, effrayé de tout abandon, facile à gouverner. C'est pourquoi à la place de la puissance, il a mit la majorité; à la place de la force, la loi; à la place de la responsabilité, le droit de vote. Le mot d'ordre du bourgeoisisme est le principe inverti des forts : celui qui n'est pas contre moi est pour moi.
J'avais en moi une image de la vie, une croyance, une exigence, j'étais prêt à des exploits, des souffrances, des sacrifices. Mais peu à peu, je remarquais que le monde n'exigeait de moi aucun exploit et aucun sacrifice, que la vie n'est pas une épopée héroïque avec des rôles en vedette, mais une cuisine bourgeoise, où l'on se contente de boire et de manger, de prendre un café, de tricoter des bas, de jouer aux cartes et de regarder le téléviseur. Et celui qui veut et qui a en lui autre chose : L'héroïque, le beau, le pur, l'adoration de l'art, la piété pour les saints, n'est qu'un imbécile et un don Quichotte.
D'abord, j'ai désespéré, et, pendant longtemps, j'ai cherché la faute en moi-même. En fin de compte, pensai-je, c'est toujours la vie qui doit avoir raison et, si elle s'était jouée de mes beaux rêves, c'est qu'ils étaient bêtes et avaient tort. Mais cela ne me réconfortait pas vraiment. J'observai alors, avec mes yeux et mes oreilles, la vie -la soit-disant vie- je regardais mes voisins, mes cousins, mes amis, et je vis que mes rêves avaient eu raison, mille fois raison. C'était la vie, la réalité qui avait tort. Comment pourrais-je vieillir bêtement derrière un bureau, sous les ordres d'un patron, ou devenir brasseur d'affaire ou balayeur ?
Nous sommes bien trop exigeants et affamés pour ce monde moderne, simple, commode, content de si peu; il nous vomit. Celui qui veut vivre en notre temps et qui veut jouir de sa vie ne doit pas être une créature comme nous. Pour celui qui veut de la musique au lieu du bruit, de la joie au lieu de plaisir, de l'âme au lieu d'argent, de création au lieu de fabrication, de la passion au lieu d'amusettes, ce joli petit monde-là n'est pas une patrie.
C'est certainement pour cela que la mort nous attire, car nous percevons que notre patrie s'y trouve de l'autre côté. C'est le royaume qui est au-delà du temps et de l'apparence. C'est à lui que nous appartenons, c'est là que va notre cœur, et c'est pour cela que nous désirons la mort. Là-bas, nous retrouverons les loups des steppes et les saints. Beaucoup de saints furent d'abord de grands pécheurs car le péché peut être lui aussi, une voie vers la sainteté, le péché et le vice. Que devons nous passer par tant d'ordures et d'absurdité pour aller vers notre patrie. Et nous n'avons personne qui nous y conduise, notre seul guide est la nostalgie, le monde va son chemin et nous, le notre. Je ne vois cependant pas d'un bon œil la structure économique et sociale que le monde ordonne aujourd'hui. L'image de l'être humain, qui représentait jadis un idéal, est en train de devenir un cliché. Nous autres fous et loups des steppes l'anoblirons peut-être à nouveau.
Pour l’instant, restons absorbé dans ce qu'un bourgeois appellerai l'irréel, … les mots traduisent mal le sens secret, tout est un peu différent, un peu faussé, un peu travesti, un peu insensé - oui, et il est bon aussi, et c'est une chose que j'approuve, que ce qui représente la richesse et la sagesse de l'un ne soit pour l'autre que folie.

Lendemain matin, 4 d'avril, je crois que par le biais d'une série de rêves, j'ai compris comment toucher la paix, définitivement, mais il s'agit là d'un exercice de haute voltige qui n'en a pas l'air : Etre toujours et entièrement à son affaire, sans jamais se laisser distraire par quoique ce soit ! (pas facile, hein ?)
Ah, eh puis comme ça fait aujourd'hui 5 mois que je suis sans assurance maladie, on peut rapidement faire le point des dépenses :
En 2024 jusqu'au 5 novembre, j'ai coûté en moyenne 5250 francs par mois à mon assurance, donc 26'250.-chf pour 5 mois, et entre le 5 novembre 2024 et aujourd'hui c'est pas très compliqué puisque je ne prends plus que des médicaments contre l'insomnie, le générique du Valium coûte 10 réais pour 30 comprimés (1,65.-chf par mois), le générique du Zolpidem coûte 15 réais pour 30 comprimés (2,5.-chf par mois), et l'Olanzapine coûte 34 réais pour 30 comprimés aussi (5,5.- francs par mois), et à cela il faut ajouter une crème à la cortisone très chère contre le psoriasis (149 réais = 25.-chf), c'est tout, on peut faire le compte :
- Valium 50 réais pour 5 mois, Zolpidem 75 réais pour 5 mois, Olanzapine 170 réais sur la période + la crème à 149 réais = Grand Total : 444 réais sur les 5 mois, soit une moyenne de 89 réais par mois (14,8.-chf contre 5'250.-chf mensuel lorsque je prêtais encore des pouvoirs surnaturels aux toubibs suisses). Pour être tout à fait honnête, je dois avouer que depuis 4 jours, je pioche dans ma réserve de Trimipramine périmée depuis 2 ans parce que les docteurs Suisses ont décidé que ce n’était pas adapté (et surtout que c’est passé de mode), c’est un des premiers anti-dépresseur conçu dans les années 1960, il m’en fallait pour passer l’épaule et écrire ce qui précède, je vais en prendre encore 2-3 jours et ensuite il faudra à nouveau m’adapter sans rien. Mais bon, je ne le compte pas dans le prix puisque c’est des boites que j’ai en réserve depuis des années (et qui de toutes façons, ne valent plus rien puisque le brevet est passé dans le domaine public).
A souligner aussi que je n'évolue pas dans un milieu naturel pour moi, comme décrit plus haut, l'intégration est très difficile, la solitude aussi, l'incompréhension pareille, et ce système d'insécurité administrative n'est pas là pour tellement stabiliser les choses, la situation du contexte global est donc plutôt défavorable que favorable.
NS do Ouro, le 4 d'avril de l'an de grace 2025 qui suit la naissance de NSJC
Une semaine après avoir écris ce que ci-dessus, je me rends compte qu'il n'y a réellement plus rien à attendre de l'ensemble de la psychiatrie, médicaments inclus, et y compris les "bonnes molécules", ou du moins en celles qu'on croit l'être. Parce que j'en ai pris encore le 5 avril, et voilà ce que j'en écrivais le 6 :
Aucune paix supérieure, rien, le néant, mon néant, ma vie massacrée, et une succession de tentatives d’illusions pour y redonner un sens, quel sens ? Même plus la force d’y donner un sens mystique, chrétien, d’une quelconque éternité, même plus envie de me plaindre à des humains, qu’ils soient curés, toubibs ou patients, plus la force d’expliquer, de raconter, de rouspéter.
Un hôpital ? Oui mais pour quoi ? Pour faire quoi ? Pour qui ? Le mieux serait de me coller dans un foyer sans aucune perspective d’avenir, de jeter la clef et ne plus tenir compte de moi, je serai mieux ainsi, … non, le seul endroit où je serai mieux, ce sera dans ma tombe, là j’aurai enfin atteint la destination finale vers laquelle tout le monde tend, et ainsi, plus de questions à se poser, 80 décimètres cubes de matière organique qui se font bouffer par les vers, destination finale de tout le monde, du clodo à César en passant par le pape.
Donc vu l'état de la situation, j'ai cessé de prendre cet anti-dépresseur si efficace le 5, et aujourd'hui, vendredi 11 d'avril, eh bien ça va déjà mieux, j'ai pu recommencer à prier mon chapelet, ce qui est plutôt très bon signe. Va vraiment falloir se poser de sérieuses questions sur ces médicaments, parce que si Dieu nous a fait tels que nous sommes et qu'on veut changer ça à l'aide de molécules, eh bien salut ! En tout cas, si je prends en lot l'ensemble de mes connaissances qui ont un trouble psychique et que je fais la séparation entre ceux qui ne prennent pas correctement ou pas du tout leur traitement et ceux qui suivent les injonctions médicales à la lettre, eh bien ceux qui suivent les toubibs passent la majeure partie de leur existence dans les hôpitaux ou les foyers médicalisés (où à l'hôpital de jour si c'est des solides), et ceux qui font abstraction peuvent prétendre à avoir une vie digne de ce nom.